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Le monde d’aujourd’hui : Volatilité, Incertitude, Complexité et Ambiguïté (VUCA)

Vous le savez déjà, le monde change aussi vite que la popularité d’un acteur pendant Metoo. Il est aussi incertain que la dernière collection de Desigual, il est aussi complexe que les échecs et il est aussi ambigu que la fin d’Inception, parlons VUCA. Je reprend cette série pour décrire chaque concept qui se trouve derrière les lettres VUCA. Bon, je vous aides c’est l’acronyme de Volatilité, Incertitude, Complexité et Ambiguïté. Alors certains français irréductibles parlent de Vika.

L’origine du concept VUCA

Je vous propose de revenir rapidement sur les origines de VUCA, dont la première apparition date de 1992 dans l’introduction du support du cours de leadership de l’école de guerre de l’armée américaine. Alors attention, je précise que ce n’est pas une école militaire. C’est d’abord une business school qui enseigne la stratégie et le management, et dans le cadre des cours sur le leadership, VUCA était alors utilisé pour expliquer que la guerre à papa contre les Vietnamiens et les Russes, c’était terminé. Bon, en tout cas à l’époque, par sa simplicité apparente, je précise apparente, car vous allez voir au gré des prochains article que l’on peut creuser les concepts de VUCA sans jamais toucher le fond, VUCA permet de marquer les esprits en décrivant de façon facile à comprendre les grandes forces de transformation, appliquées au monde militaire, la volatilité par exemple, s’illustre par le fait que le temps qu’un plan soit approuvé par un état major, il risque d’être déjà obsolète, ce qui introduit l’idée que la décision revient aux unités de terrain et pas aux états majors.

Agilité et management opérationnel dans un monde incertain, complexe et ambigu

Pour illustrer l’incertitude, il suffit de comprendre qu’il n’est plus possible d’identifier son ennemi par son uniforme et que l’ennemi peut parler sa langue et avoir la même nationalité et même d’aller dans les mêmes boite de nuit. Pour la complexité, je pense qu’un dessin vaut mieux qu’une explication. Et pour illustrer l’ambiguïté, pour rester dans le domaine militaire, rappelez vous qu’en Afghanistan, la technologie allait de pair avec l’utilisation de chevaux et que les champs de bataille sont maintenant aussi réels que virtuels. Pour résumer, VUCA valorise l’agilité et l’impro des unités de terrain. Et là, vous voyez le lien avec l’agilité et le management opérationnel qui explique que VUCA a commencé à se propager dans les MBA, les écoles de management puis dans les entreprises fan de jargon militaire, vous savez ce type d’entreprise qui fait la guerre des talents pour conquérir de nouveaux territoires ‘epic’ et VUCA est alors devenue si populaire que la troisième édition du support de cours de leadership de l’école de guerre, éditée en 2010, a dédié un chapitre entier à VUCA, alors qu’en 92, ils n’étaient évoqués que dans quelques lignes d’introduction.

Comment Amazon a prouvé que VUCA est plus qu’un simple cadre explicatif ?

Quand j’ai commencé à parler de VUCA en France à partir de 2005, je vous aurais dit que vu qu’elle ne savait pas grand chose, à part meubler un cours d’école de commerce ou à introduire une conférence que je n’avais pas eu le temps de préparer et les retours que je pouvais recevoir de la part de mon audience, allez de : « c’est du jargon de consultants » à « c’est un néologisme militaire et américain qui ne me concerne pas ». J’ai donc mis le concept de côté en attendant des jours meilleurs. Et ce sont deux événements qui ont changé la perception de l’utilité et de la pertinence de VUCA. D’abord, l’attente des dirigeants d’avoir une formule ou un cadre plutôt qui permette de comprendre les changements en cours pour s’y adapter. De l’autre, la stratégie client d’Amazon, qui a prouvé que VUCA pouvait être utilisé non pas seulement pour simplifier et expliquer, mais pour agir. Alors pour commencer par l’utilisation de VUCA, pour comprendre les changements en cours et réfléchir à des actions d’adaptation rapide. Le framework VUCA est pratique car c’est un filet trainant dans lequel vous pouvez mettre tous les événements récents qui ont mis le boxon, le Brexit, la digitalisation, la pandémie ou l’invasion de sauterelles en Égypte. Dès que ça met le boxon c’est VUCA. VUCA rassemble quatre grandes idées qui se télescopent comme un piano qui tombe d’une fenêtre sur la vie d’un passant innocent.

La loi de l’exponentielle

Vous avez d’abord la volatilité qui se rapporte à la vitesse et à l’ampleur des changements. C’est la règle de l’exponentielle, de la loi de Moore et de l’instantanéité des événements comme la pandémie qui a touché tous les pays du monde en quelques jours. C’est aussi l’accélération de la mise en place du télétravail, même dans des entreprises où les dirigeants auraient préféré un redressement fiscal sévère plutôt que d’accepter que leurs salariés travaillent de chez eux. Avec la volatilité, ce qui était vrai le matin ne l’est peut être plus le soir. Vous avez ensuite l’incertitude qui nous rend incapables de comprendre entièrement une situation et qui peut rendre impossible de prévoir l’avenir, même proche. L’incertitude rend aussi difficile de faire le tri entre ce qui est urgent de ce qui est important et avec l’incertitude. L’impossible devient éventuel, voire probable. Pour l’exemple, ce sont les augmentations de salaire et les plans de carrière qui ont été soudainement figés pendant la pandémie, comme une expression de Nicole Kidman.

Arrivent ensuite la complexité qui se rapporte à la difficulté de comprendre les interactions à l’oeuvre dans notre environnement. Avec la complexité, vous ne pouvez plus voir clairement les causes et conséquences d’un événement. La complexité se retrouve par exemple dans la remise en cause du bureau comme unique lieu de travail pour ceux qui travaillent dans un bureau, pas dans un atelier, et le lien qu’il y a désormais avec le management hybride. Et enfin, mon préféré, l’ambiguïté qui résulte des différentes interprétations que l’on peut donner à un événement lorsque les informations dont on dispose sont insuffisantes pour la comprendre ou contradictoires. Ajoutez-y une couche de cécité culturelle et de biais cognitifs, et vous vous retrouvez avec des événements que vous pouvez interpréter de plusieurs manières et dans lesquels tout et son contraire arrivent en même temps. Vous allez retrouver cette ambiguïté dans l’incompréhension des managers auxquels on demande de créer un collectif en respectant les individualités. De rassurer leur équipe alors qu’eux mêmes sont loin de l’être. Et bien sûr, le grand classique de faire toujours plus avec toujours moins.

Alors, si ces quatre éléments de VUCA font sens, il manquait pourtant un cas concret provenant d’une entreprise connue qui a explicitement utilisé VUCA. Et c’est là qu’entre en piste Jeff Bezos, l’ancien dirigeant d’Amazon. Nous sommes fin 2016 et comme tous les ans, Jeff Bezos adresse une lettre à ses actionnaires pour les informer de l’actualité d’Amazon, de sa culture et de sa stratégie commerciale. Dans ce courrier, Jeff détaille les stratégies qui seront suivies pour qu’Amazon reste, selon les termes maison comme au premier jour ou d-one en anglais, et pour cela échapper à ce qu’il appelle le jour deux ou d-two ! Qui est le moment où une entreprise tombe dans la bureaucratie et la complexité ?

Dans cette lettre sont décrites les quatre stratégies qui répondent point par point à l’acronyme VUCA. Concernant la volatilité, Bezos incite à prendre des décisions à haute vélocité, pour reprendre ses termes. Un processus de décision rapide rend l’environnement dans lequel on travaille beaucoup plus amusant. L’idée est de reconnaître rapidement une mauvaise décision pour la corriger, même a posteriori. Pour traduire dans une situation volatile, mieux vaut prendre une mauvaise décision rapidement, quitte à revenir en arrière que de prendre une bonne décision trop tard, pour l’incertitude Monsieur encourage d’embrasser les tendances externes, parce que chez Amazon, si vous résister à la nouveauté, vous résister au futur, donc vous n’avez pas le choix. Soit vous choisissez l’innovation pour avoir le vent dans le dos, soit vous choisissez la porte et on va la choisir pour vous. Pour cela, les salariés d’Amazon doivent apprendre à faire le tri entre les signaux faibles volatils et incertains et les tendances. Donc je traduis, il dit à son staff de ne pas perdre son temps à prévoir un avenir incertain en courant après les signaux faibles, comme le chat court après un point rouge. Mais par contre de réagir promptement quand une tendance se confirme, c’est à dire au moment où les concurrents sont en train de se concentrer sur cette tendance.

Et bien, selon lui, c’est le moment de faire tapis sur cette tendance, pas avant. Au sujet de la complexité, il propose de résister aux proxies. Toujours dans sa lettre, Bezos prévient que lorsqu’une entreprise devient plus grande, il y a une tendance naturelle à y faire du management par procuration. Il s’agit par exemple de se réfugier derrière une procédure pour éviter de prendre une décision que l’on pourrait vous reprocher. Ce qui fait qu’à la fin, vous n’avez plus de manager dans votre organisation, mais que des gens qui se couvrent derrière des procédures. Et à la fin, vous entrez en jour deux pour reprendre le terme de Bezos. Pour traduire, c’est le client qui est au centre de l’attention de chaque salarié d’Amazon. Manager ou pas, et pas les process qui tendent vers la complexité. Et pour finir et répondre à l’ambiguité. Une seule attitude l’obsession client. C’est le dernier point de la lettre de The Boss. Selon lui, il y a plusieurs façons de piloter une entreprise. Vous pouvez être focalisé sur vos concurrents, sur vos produits, sur vos technologies, sur votre business model ou sur plein d’autres trucs pour reprendre ses mots.

Mais selon lui, être focalisé et obsédé par le client est primordial, donc je traduis le client d’abord, mais pas le client roi parce qu’il ne sait pas ce qu’il veut.

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